top of page

GAGNER SON PAIN


C'est toujours prise de tête de démarrer un article car souvent, je trouve que peu importe la formule d'intro...je ne me sens pas très naturelle. Mais sachez que ça me fait très plaisir de vous retrouver avec un nouvel article qui aborde la question de l' handicap et le monde du travail.

J'ai 28 ans et la première fois que j'ai cherché du travail j'avais 16 ans en tant que étudiante. J'ai bossé dans un magasin de chaussures. La dame appréciait les conseils que je donnais aux clients par contre elle ne m'a pas reconduite car j'étais trop lente à son goût. Ensuite, j'ai travaillé comme réceptionniste et serveuse dans un centre sportif. J'ai eu le job grâce à mon handicap cette fois car la patronne avait un fils lui-même handicapé moteur et mental, elle voulait me donner un coup de pouce.


En tant qu'étudiante, ça m'avait fait plaisir que pour une fois mon handicap était un bonus plutôt qu'un fardeau. J'y ai bossé pendant un été puis décliné l'ofrre l'année d'après pour une question d'horaire.


Je trouvais ça assez comique comme les habitués me draguaient et dès qu'ils voyaient mes mains...ils déchantaient et changeaient tout à coup de ton envers moi. J'observe régulièrement cette attitude avec la gente masculine surtout l'été où j'ai travaillé comme hôtesse d'accueil pour le Festival " Les Francofolies " comme si le fait d'être en jupe, maquillée, bien coiffée et sympa me rendait fréquentable et que la simple vue de mes mains ou mes pieds annulait l'image qu'on avait de moi au départ.


Voilà mon expérience en tant qu'adolescente en recherche d'emploi, j'ai essuyé beaucoup de refus. Un refus que je garde en mémoire car la dame n'a même pas pris de gants et j'ai trouvé ça hyper grossier et limité. La dame avait retenu mon CV et était hyper emballée par mon profil pour un job d'hôtesse d'accueil une nouvelle fois. Lorsque je suis arrivée à notre rendez-vous, j'ai eu droit à " Ahah vous êtes africaine car vu votre nom de famille...je ne l'imaginait pas. " et en conclusion de l'entretien cette formidable remarque " Merci de vous êtes déplacée mais je pense que nous en resterons là car je pense que votre profil ne mettra pas très à l'aise nos clients. " Je lui ai répondu " Merci à vous de ne pas m'engager car je vous trouve pour le coup assez limitée. Belle journée à vous ! " Je l'ai lâché au feeling tellement j'étais choquée par son esprit étriqué.

A 18ans, je suis rentrée en école de Mode & Couture. Je savais que vu le domaine ça allait être difficile de me faire une place déjà sur les bancs de l'école. J'entendais les bruits de couloir disant que j'étais favorisée car qui pourrait " saquer" une handicapée...ça ne se fait pas et c'était pour cette raison que je réussissais mes années.






Ce que j'avais aimé c'est que ma prof principale de couture et patronage m'avait prise après un cours en début de 1ère année pour discuter de ça. En me posant quelques questions au sujet de mes objectifs, de mes attentes, de mes appréhensions, etc.


Suite à mes réponses, elle m'a exposé sa politique de travail et de cotation. A la fin de cet entretien, je me suis sentie hyper à l'aise et parée pour cette année car elle avait posé le décor et m'avait très clairement entendue. Je trouve ça rare comme échange élève/professeur...et cette prof technique je l'ai eu 3 ans et c'est clairement grâce à elle que je couds bien et que j'ai confiance en mon travail de couturière et modéliste. Je l'ai d'ailleurs interviewée en juin 2017, l'interview est juste ICI


On me demande souvent pourquoi je me suis établie dans un métier d'image alors que mon profil ne colle pas du tout à ça. Parce que je voulais, veux toujours créer des vêtements qui matérialisent ma philosophie de vie comme si l'intérieur était visible à l'extérieur et ainsi être en accord avec moi-même et ne pas me déguiser ou jouer un rôle comme nous vivons dans nos vêtements une grande partie de notre journée.


Ce qui m'a décidé à créer mon travail en tout cas me lancée fin 2013. C'est l’accueil ou la froideur que je recevais durant les défilés, les concours, la recherche de stage...




Durant ma recherche de stage, j'ai été fort déçue par certaines réactions des possibles maîtres de stage. Il m'est arrivé qu'on s'essuie les mains après m'avoir serré la main comme si j'étais contagieuse. Niveau estime de soi avant de commencer à se vendre pour essayer de gagner sa place et son pain...c'est difficile.

Ensuite après de nombreux refus, j'ai carrément dû employer les grands moyens...en demandant une attestation signée par la directrice de l'école pour signaler que je étais compétente et que mes créations étaient bien réalisées par mes petites mains. Car lors des rendez-vous d'entretien beaucoup me prenaient pour une menteuse...car mes créations étaient trop soignées pour être faites par moi-même. Cette lettre était nécessaire mais franchement niveau ouverture d'esprit et confiance en soi...je suis sortie du bureau avec la larme à l’œil car c'était une pure claque de se dire que pour être " validée " et " acceptée "...il fallait qu'une autorité me valide.


Cette notion d'autorité constante me dérange...étant handicapée...je dois constamment être chapeautée pour " exister " selon notre société . A 23ans, je me suis dit que je voulais parler en mon nom tant pis si c'était difficile vu le domaine dans lequel je voulais exercer.


J'en avais marre qu'on parle pour moi comme si en perdant mes doigts et mes orteils...j'avais perdu mon cerveau et mon " humanité ". De nombreuses personnes de mon entourage me disaient c'était normale qu'on n'ai pas confiance, qu'on doute de moi. Je vais peut-être vous choquer MAIS NON, C'EST PAS NORMAL car la normalité, ça ne veut rien dire PUNAISE. Dès fois, je trouve fatiguant de me dire que c'est à moi de m'adapter et me mettre à la place des personnes valides. Alors que quotidiennement, je m'adapte à ses échelles de valeurs.


Cet article est là pour taper du point sur la table...pour plus d'ouverture d'esprit et de modestie dans le monde du travail. Un peu plus de 50/50 ça serait cool...le chemin ne doit pas être constamment fait par les personnes dites " ANORMALES " car franchement, je trouve ça tellement triste d'évoluer constamment dans cette dynamique.




Je vous laisse, j'ai assez parlé et je vous souhaite une très belle soirée ;-)

Photos de Lynn VanWonterghem et Look : Pantalon et Blouse C&A ( Collection 2017) - Veste et Foulard H&M ( Collection 2008 & 2010 ) - Sac Sacha ( Collection 2006 )

bottom of page